samedi, avril 10, 2004

Newsletter 10 : le Vietnam

(quelques photos du Vietnam sont disponibles sur notre site:
www.enquetedumonde.fr.st et nos essaierons d’en mettre d’avantage)
Après 15 jours seulement passés aux Philippines, il nous faut déjà quitter les
volontaires de Virlanie avec qui nous avons passés de si bons moments, et
repartir, encore, toujours, parti pris d’un voyage où nous ne nous arrêtons
jamais ! Destination en vue, le Vietnam, où nous mettons entre parenthèse
notre mission première faute de contact sur place, pour nous adonner à trois
semaines de tourisme…
Arrivés à Ho Chi Minh Ville (anciennement Saigon, mais ne heurtons pas les
sensibilités…) le 15 mars, nous sommes très vite plongés dans cette fébrile
agitation qui semble caractériser toutes les villes d’Asie, des motos en tous
sens montées en amazone par de belles jeunes filles habillées de leur
traditionnelle tenue blanche et portant un petit masque devant leur bouche
(vestige du SRAS ?), un florilège d’odeurs, des plus alléchantes aux plus
ragoûtantes, pleins de petites échoppes qui proposent chacune quelques
spécialités d’une gastronomie vietnamienne très élaborée, des marchés de nuit
colorés… Nous prenons nos quartiers dans Pham Ngu Lao, lieu de résidence de
tous les routards, pour trois jours d’excursion à travers la ville.
Ho Chi Minh Ville a conservé du faste de la période coloniale ses superbes
bâtiments, ses grands hôtels, son opéra, sa grande poste, et il est ainsi bien
agréable de flâner dans la rue Don Khoi, lieu de croisettes pour les femmes de
colons ; mais avec ses 7 millions d’habitants c’est aussi la plus grande ville
du pays qui a su s’ouvrir au capitalisme, à une époque où Hanoi restait
obstinément communiste, et accueillir multitude d’investisseurs étrangers,
d’où de grands buildings vitrés très « hi-tech », et de grandes affiches
publicitaires télévisées, côtoyant pourtant une misère très visible.
Le musée « des atrocités et crimes de guerre perpétrés par les américains »,
permet de se faire une idée juste de ce que les vietnamiens ont pu endurer en
étant déchiré par une guerre très meurtrière, et très dévastatrice avec les
moyens employés par les américains ; à l’heure où la situation en Irak n’est
toujours pas stabilisée, il est triste de constater que l’histoire semble se
répéter… La visite des tunnels de Cu Chi nous livrent le secret de la victoire
des vietcongs, un ingénieux et complexe réseau de tunnels étroits à quelques
dizaines de km d’ Ho Chi Minh Ville et qui les mettaient à l’abri des bombes
et autres défoliants généreusement largués par les américains.
Nous découvrons avec les temples de Tây Ninh la secte la plus insolite du
Vietnam : le caodaïsme, invention d’un fonctionnaire cochinchinois, qui mêle
pas moins de 6 religions (bouddhisme, confucianisme, taoïsme, spiritisme
vietnamien, christianisme et islam) ; la cathédrale est un feu d’artifice de
couleurs, avec des dragons en technicolor que contemplent le christ et
bouddha du haut de leur fresque, et saint Victor Hugo qui montre la voie…
Nous ne comptons pas les heures de bus, nombreuses, pour relier le sud du nord
Vietnam, bus dont les conducteurs sont de véritables « Fangio » armés de leur
klaxon, qui sert aussi bien de clignotant que de frein ; quelques haltes
agréables ponctuent toutefois le trajet : tout d’abord Hoi Han, au carrefour
des cultures chinoises, vietnamiennes et japonaises, du temps où cette
paisible ville était le plus grand port de commerce du Vietnam. Un peu
d’imagination seulement permet de se plonger dans cette époque florissante
tant la ville a su conserver son authentique charme !
Puis Hué, ancienne capitale impériale, où l’on peut encore admirer les restes
de la superbe cité interdite épargnés par les bombardements américains ; un
vétéran français de la guerre d’Indochine nous avouera ne pas avoir pu retenir
ses larmes devant un tel gâchis… De beaux restes cependant, notamment la salle
d’audience et ses 80 colonnes laquées d’un rouge profond et rehaussées de fins
motifs dorés, traduisant le faste de la cour des rares privilégiés ayant droit
d’entrée dans la cité. Nous louons pour une journée des motos afin de visiter
les tombeaux impériaux de Tu Duc et Min Mang, calmes lieux d’éternité à
l’ombre des pins et des frangipaniers.
Nous atteignons Hanoi le 23 mars, capitale du Vietnam, sous une pluie battante
qui nous rappelle les pluvieuses journées d’octobre en France ; le climat
s’est aussi bien radouci, mais qui s’en plaindra après la chaleur moite et
étouffante d’Ho Chi Minh Ville ? Nous passons quelques jours à arpenter la
ville en tout sens, visitant au passage quelques musées, celui de la femme qui
nous livre ses courageux combats pendant la guerre, le musée ethnologique
permettant enfin d’approcher et de mieux connaître une culture que les
circuits touristiques nous cachent ou nous font voir de façon déformée, ou
encore le temple de la littérature, qui a longtemps formé les élites du pays.
Nous assistons à un spectacle de marionnettes aquatiques, étonnant mais très
divertissant, où des dragons déambulent sur l’eau en crachant des panaches de
fumée, des pêcheurs tentent vainement d’attraper quelques poissons, le tout
sur fond de musique vietnamienne traditionnelle.
Le temps d’une croisière en bateau de trois jours, la Baie d’Along a pu
exercer sa magie sur nous, même par un temps un peu gris qui lui donnait un
aspect encore plus énigmatique : les gros rochers de calcaire tels des
fantômes apparaissaient et disparaissaient au gré de la brume, superbes
sculptures que la nature a mis des milliers d’années à façonner. La légende
veut que ce soit un dragon qui ait dispersé dans sa course folle toutes ces
îles dans les eaux vert émeraude du Golfe du Tonkin, et parait-il, on peut
certains jours l’apercevoir au large de la mer, où il joue sans doute avec son
ami du lac du Loch Ness ! Au milieu de la Baie, nous avons pu découvrir avec
étonnement des villages flottants, formés de petites baraques colorées
bricolées de bric et de broc, véritable habitat traditionnel de pêcheurs.
Nous retournons à Saigon via Dalat, une pause agréable et rafraîchissante en
montagne, ancien lieu de villégiature des colons qui venaient chasser le gros
gibier, et ville très étudiante pour les nombreuses universités qui ont élu
domicile ici pour le climat plus doux. Le vin local nous parait très correct,
peut-être est-ce du à notre absence de point de repère ? Après une petite
escapade à vélo, nous replongeons dans la fiévreuse agitation de Saigon, le
temps d’organiser notre départ vers le Cambodge via le delta du Mékong.
Nous avons achevé notre périple touristique au Vietnam par ces trois jours à
remonter le Mékong, en alternant bateau, car et visites guidées de fabriques
de galettes de riz, de nems, de décorticage de riz… Et finalement ces quelques
jours dans le Mékong auront été à l’image de notre séjour ici, à savoir très
touristique, trop pour nous dont notre mission première n’est pas cela. Nous
restons donc sur un sentiment mitigé, réjouis des merveilles dont nous avons
pu nous repaître, mais déçus par tout le mal qu’un tourisme de masse peut
faire dans un pays qui commence juste à s’ouvrir : a chaque visite, nous
avions la désagréable impression qu’on nous montrait ce qu’on voulait, à tel
point qu’on s’est demandé si nous n’avions pas sous nos yeux des acteurs, et
que nous n’étions pas nous-mêmes au milieu d’une immense comédie ? Sentiment
renforcé par le faux qui s’étale sous nos yeux, des imitations de marques aux
hôtels en carton-pâte, en passant par les fausses agences de voyage qui
s’empressent de reprendre un nom plébiscité dans le « lonely planet », notre
fidèle livre-guide. Et puis quelle déception pour nous de n’avoir pu
rencontrer plus de gens « locaux » et d’appréhender un peu mieux la culture
complexe de ce peuple pourtant accueillant !
Quel pessimiste ce Guénaël allez vous vous dire, et je vous l’accorde, car ces
quelques considérations mises à part, nous avons passés de très bons moments,
et notre parcours a été jalonné de nombreuses rencontres de routards avec qui
échanger nos expériences était très enrichissant, Peter notre flegmatique
anglais, Carole la Suissesse, un jeune couple de Malais, Géraldine et sa mère,
toutes deux aussi déjantées, et tant d’autres encore ! Et de notre bateau nous
apercevons déjà les rives du Cambodge s’esquisser… prochaine newsletter de ce
pays !
Guen