dimanche, mai 09, 2004

Newsletter 11 : Le Cambodge.

Lourde tache qui m'incombe de vous parler ce mois-ci de nos trois dernières semaines passées au Cambodge, tant chaque journée a été chargée d’événements, de rencontres et de découvertes dont je ne peux malheureusement vous retranscrire l'intégralité. Nous sommes restes sous le charme d’un peuple khmer sympathique.

Dans mon esprit, Cambodge et Vietnam, tous deux ex-Indochine française, étaient deux peuples a peu près similaires. Des le passage de la frontière je compris qu il n en étaient rien, et que chacun avait une identité forte. D'abord physiquement, le type khmer est beaucoup moins asiatique:
Peau très matte, yeux moins brides et maxillaire large, qui explique certainement la sympathie qu on éprouve pour ce peuple, aux visage dotes de sourires remontant jusqu aux oreilles. Ensuite culturellement: si l'héritage du faste empire angkorien est maigre, cette période fait partie intégrante de l'identité du peuple khmer, qui se rattache a ses temples comme a la seule bouée de sauvetage culturelle qu'il lui reste après le naufrage des années 70, marque d'autodafés, pillage et destruction de toute forme d'émancipation intellectuelle.
Enfin différence de mentalité, et contraste du point de vue de l'aménagement du territoire : Souvent, au détour d’une piste de terre, à l'attitude de tel khmer, au fou rire pris devant telle situation cocasse nous avons retrouve un semblant d'Afrique: pointe de nostalgie en tête et bonheur de retrouver cette spontanéité et cette simplicité de chaque moment « Ad Pania ! Ad Pania ! », entendrons nous bien souvent. « pas de problème, pas de problème !»

Au Cambodge, nous poursuivons notre mission et avons la chance de visiter plusieurs associations, de rencontrer des interlocuteurs privilégies, nous faisant pénétrer au coeur de la vie cambodgienne. Certains d'entre vous connaissent peut être déjà Pour un Sourire d'Enfant ? Cette ONG a été crée par un couple français, qui du jour au lendemain a tout quitte pour aller s'établir a proximité de la décharge de Phnom Penh. La de jour comme de nuit des milliers de famille, d'enfants, ramassent des ordures qu'ils revendront pour 2 sous, au péril de leur vie, exposes aux bulldozers qui remuent ces immondices fumantes et toxiques, dans des conditions révoltantes.
En 8 ans, déjà 3000 enfants ont été sortis de cet enfer et scolarises, a travers un programme ou tout semble avoir été pense pour palier aux manques ainsi endures par les familles. En traversant la cour, on est forcement ému de voir tous ces sourires de marmots, propres dans leurs tenues d'école, alors que fume encore au loin ce qui étaient jadis la seule vision qu'ils avaient du monde.

Au Cambodge, deux amis français, nous rejoignent. Elisabeth ne pourra rester qu'une semaine. Mais Bertrand, également gadzarts à l'ENSAM, viendra compléter notre trio, enquêtera à nos cotes durant notre étape cambodgienne!
Mais voila qu'arrive le Nouvel An Khmer: Tout va fermer pendant une semaine complète. Nous sommes « condamnes à prendre des vacances ». Cette semaine va être l'occasion de visiter les célèbres temples d'Angkor mais aussi la cote cambodgienne en nous rendant au port de ihanoukville. Par chance, l'oncle de Bertrand est en ce moment même au Cambodge et accepte de nous guider, en nous faisant partager son expérience du pays et sa connaissance de la culture khmère.
Alain a été intervenant pendant plusieurs années à l'école de pêche de Krousar Thmey. Aujourd'hui il est président de la branche française de cette association, née en recueillant les orphelins restant dans les camps de réfugies qui ont suivis la chute du régime khmer rouge. Outre les orphelinats, l'association oeuvre également aujourd'hui pour les sourds, muets et aveugles, ainsi que pour les enfants des rues, auxquels elle propose de rejoindre de vraies structures familiales. A Sihanoukville, nous verrons donc l'école de formation de pécheurs, construites au bout d'une longue digue paradisiaque, ou le vent marin vous tonifie et l'eau turquoise vous nargue de tous cotes ! A 17h00, c'est le départ des bateaux vers le large. Aucun d'entre eux n'est immatricule cela reviendrait trop cher. Du coup, il faut payer une amende quotidienne au garde cote, qui finit a coups surs dans sa poche.

Cet exemple est à l'image du fonctionnement de l'économie du pays. La corruption est bien présente, comme partout, a la seule différence qu'on la pratique ici de manière très ouverte. Ni le secrétaire d'Etat avec ses 300 $ par mois, ni le policier avec son fixe de 40 $, ni l'enseignant ne se contentent de ce qui ne leur suffit plus à vivre. Régulièrement, le bus qui nous transporte ralentit, s'arrête a peine devant le flic poste en continu au pied de son arbre, tout juste le temps de glisser un droit de péage et c'est reparti, en trombe bien entendu !... klaxon enfonce s'il vous plait !!!

Cette situation et ces abus ne peuvent guère être endigues quand on sait par exemple que le pays flotte depuis 10 mois déjà, sans gouvernement ! La constitution du pays, établie à la chute des khmers rouges, impose en effet qu'un parti soit majoritaire aux 2/3 pour aspirer au pouvoir. Ce qui semble difficile à obtenir en pratique.

Pour nous rendre a Siem Reap, 2nde ville du pays, en pleine expansion grâce à la manne touristique que représente le site d'Angkor nous optons pour le bateau. Nous voila donc remontant le Tonle Sap, ce fleuve qui se jette dans le Mékong en aval, et n'est autre que la continuation du lac qui porte le même nom en amont. Cours d'eau aux rives verdoyantes, sauvage et clairsemées d'habitations typiquement cambodgienne. Ces véritables chalets de bois sur pilotis rappellent que pendant de longs mois, le Cambodge est sous les eaux.
A la saison sèche, on en profite pour tendre des hamacs entre les pilotis, et l'on vit la, au frais, à l'ombre de sa demeure. Cette alternance du niveau de l'eau du lac (qui voit sa superficie sextupler en saison des pluies !) provoque un phénomène unique au monde¦ Le Tonle Sap est le seul fleuve au monde dont le cours change de sens au cours de l'année !!!! A cette occasion, une grande fête traditionnelle est donnée. On tend un ruban au dessus de l'extraordinaire rivière, et la légende veut que lorsque le roi rompt le fil, le cours s'inverse !

Notre « torpilleur » trouble le calme du fleuve, croisant de-ci une embarcation dirigée noblement par un rameur debout, de-la un enfant se baignant a proximité de l'ingénieux dispositif de pêche traditionnelle, en bambous.
Plus loin, la baignade des buffles nous obligera à « piler » sur l'eau.
Spectacle sauvage, au souvenir pictural fort. Par la chaleur que nous endurons nous-memes (nous sommes en fin de saison sèche) on comprend que ces mastodontes veuillent se rafraîchir¦ Pas si bêtes ! Les eaux argileuses de l'immensité du lac rappellent en nous des sensations déjà expérimentées en Mauritanie¦ au milieu de cette étendue au ton de sable, on se croirait de retour en plein Sahara. Célestine serait-elle devenue voiture amphibie ?!!!

- « Comment ces pierres peuvent elles tenir sans ciment, depuis 1 millénaire?
- Tiens, ils ne connaissaient pas la technique de la voûte !
- Regarde la finesse de ce bas relief !
- Ici, c'est un Naja à 9 têtes, symbole de l'empire angkorien»

La visite du site d'Angkor est féerique¦ on essaie en imaginaire de se replonger dans le faste de cette période, de fermer les yeux et de voir vivre au milieu de ces pierres une civilisation disparue. Plus de 200 temples sont répertories. Bien sur on ne les verra pas tous, mais grâce a Alain, qui nous guide dans ces dédales rocailleux mieux qu'un professionnel, nous nous extasions devant un échantillon représentatif de l'ensemble. Temple montagne ou couche, inconnu ou touristique, végétatif ou rayonnant, simple ou labyrinthique. nous vous souhaitons a tous de pouvoir un jour vous plonger
Dans ces merveilles¦ De retour a Phnom Penh, nous retrouvons la petite communauté de français volontaires ou stagiaires, que nous avions rencontre avant notre départ.
Quotidien convivial, ou les visites s'alternent avec les rendez-vous pris pour notre projet. Lorsqu'on a une heure devant soi, on peut par exemple aller s'amuser avec les singes en liberté dans un jardin public de la ville. Ou encore, cette après midi libre que nous avons passée dans les eaux du Mékong, jouant aux acrobates avec les enfants de l'île de la soie.
Une de nos après midi est consacrée à la visite de Tuol Sleng, cette prison témoigne de l'atrocité du régime khmer rouge, au pouvoir de 1975 à 1978. Je préfère ne pas m'essayer à résumer en quelques lignes les grands traits de ce génocide, considérant qu'il faut forcement aller au fond des choses pour comprendre ce qu'il s'est passe ici. A plusieurs reprises, nous avons pu discuter avec la vieille génération, parlant franÇais. Ces hommes nous ont décrit sans pudeur ce qu'ils avaient endure, devant par exemple se garder de porter leurs lunettes et de parler français pendant 3 années, chasses de la ville pour aller travailler aux champs, seuls rescapes de familles décimées.
On sent que les langues ont besoin de se libérer. Ces témoignages sont d'autant plus touchants qu'on sait que tout cela est très récent. On ne peut que vous inciter à vous documenter ou à relire des ouvrages sur cette période, encore trop peu aborde dans nos manuels scolaires. (Lire par exemple « le Portail », de François Bizot ; « D'abord ils ont tues mon père », de Loung Ung ; ou plus simplement voir ou revoir le film « La déchirure »)

Au cours de cette dernière semaine, nous reprenons également nos objectifs de pompage, cette fois ci plutôt orientes sur une étude de faisabilité que sur des implantations. Le problème de l'eau en Asie est en effet bien différent de celui de l'Afrique. Nous rendre sur place est le meilleur moyen de savoir si la pompe Valdes peut satisfaire des populations ici. Compte tenu de la concurrence, de la situation de la filière bois dans le pays et du vent trop faible sur la plupart du territoire nos conclusions sont plutôt réserves au premier abord, sur l'avenir de notre prototype dans le pays¦ Nous poursuivons également nos visites de centres de formations techniques.
Déjà notre séjour ici touche à sa fin et il nous faut songer à prendre le chemin de la Thaïlande. Sur notre route, haltes brèves à Battambang et Poipet, ville frontalière. Pour rallier ces 2 villes, nous nous retrouvons perches a l'arrière d'un pick up, assis sur des sacs de cacahuètes, 4 visages de « Barangs » (blancs) contrastant avec les 11 autres cambodgiens agglutines sur la plate forme, enturbannes dans leurs kramas, foulard traditionnel, véritable symbole national. Poipet a l'allure d une ville de
trafics. Des charrettes a bras, aux chargements suspicieux passent le pont de la frontière en d'incessants va et vient. Des enfants, rendus obèses par les multiples épaisseurs de vêtements contribuent à faire passer la marchandise vestimentaire !
Nous passons le pont. Je ne peux m'empêcher de me retourner vers ce pays qui m'a tant marque. Au revoir Cambodge !
Nicolas.
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